25/11/2012

612. C'était la solitude - S'il est quelque autre chose au monde

C'ETAIT LA SOLITUDE...


C'était la solitude et sa féconde ivresse ;
Le vent des ciels du soir, plein d'une ample vigueur,
De la nue à la terre élançait ses caresses :
Je recevais avec une avide allégresse
Cet univers dissous qui pénétrait mon cœur !

Et l'espace, et l'espoir, et l'éternité même
Devenaient familiers à mon docile esprit ;
Les astres décelaient d'ineffables problèmes
A cette âme attentive où rien n'est circonscrit.

— Alors, me surprenant, — o toi qui seul existes, —
Amour, iniquité sublime, tu survins,
Chasseur turbulent, voleur jaloux et triste,
Fier de ton indigence et du désir divin.

Tu dispersas l’immense et vivant paysage
Qui sous mon front séduit mettait ses bonds légers ;
Et, pitoyable autant que féroce et sauvage,
Tu fixas dans cet être, à jamais ravagé,
La bonté de tes mains et l'air de ton visage...

S'IL EST QUELQUE AUTRE CHOSE AU MONDE...

S'il est quelque autre chose au monde que l'amour,
S'il est quelque autre attrait, quelque autre récompense,
A travers la multiple et prodigue dépense
Que l'homme fait de soi, en luttant, chaque jour,

Si l'effort, le labeur, la fierté, la justice,
Ont, dans leurs vœux secrets, un but plus convoité
Que celui de l'auguste et triste volupté
Où la force et l'espoir des âmes aboutissent,

Dites-le-moi, Nature, ordre divin des jours.
Triomphale douceur du printemps qui s'élance,
Dites-le, mouvement onduleux du silence
Où les sons assoupis rêvent, puissants et sourds !

Dites-le, nuits d'été où les astres s'empressent,
Et, par leur insistant et net crépitement,
Guident l'être, ébloui d'un immense tourment,
Vers l'orage et la paix des étroites caresses !

Dites-le-nous ! Ouvrez notre humaine prison,
Enseignez-nous ! Sinon, la hantise éternelle
Qui jaillit de l'instinct, que nourrit la raison,
Ne connaîtra jamais, en ses nobles saisons,
Que ce vacillement enflammé des prunelles,
Où l'univers sans but offre aux corps anxieux
La présence terrible et suave d'un dieu !

Les Forces Eternelles