24/11/2012

594. Confession - Libération

CONFESSION


Je t'aime comme on aime vivre,
A mon insu, et cependant
Avec ce sens craintif, prudent,
Qu'ont surtout les cœurs les plus ivres !

J'ai douté de toi, mon amour.
Quelle que soit ta frénésie.
Puisqu'il faut qu'il existe un jour
Au loin, où, ni la poésie,

Ni les larmes, ni la fureur,
Ni cette vaillance guerrière
Qui criait au Destin : « Arrière ! »
N'agiront contre ce qui meurt.

Jamais je ne fus vraiment sûre
De te voir, quand je te voyais :
Ce grand doute sur ce qui est
C'est la plus fervente blessure !

Tu sais, on ne peut exprimer
Ces instinctives épouvantes :
J'ai peur de n'être pas vivante
Dès que tu cesses de m'aimer !

LIBERATION

La nuit par sa tiédeur vient prolonger la chambre,
La fenêtre est ouverte, et l'on se sent uni
A ce scintillement chuchotant, infini,
Des étoiles d'argent et de la lune d'ambre.

J'ai détourné de vous, tumultueux ami,
Après cet esclavage où tout l'être a frémi.
Mon esprit attiré par la beauté des choses.
— Tandis que votre front contre mon bras repose.
Mon cœur, libre de vous, de soi-même dispose.
Je renoue avec l'air ma noble parenté :
Le silence savant, les cieux, l'éternité
Me conquièrent avec un verbe énigmatique.
La nuit me parle ainsi qu'à son enfant unique.
Comme la blanche étoile au bord des cieux d'ébène,
Je me sens rayonner dans l'ombre ; nulle gène
N'embarrasse ma pure et calme vanité ;
Et je me sens puissante, indolente, tranquille
Comme un profond jardin de palmiers dans une île..
— Mon douloureux Destin s'est en vous arrêté,
O nuit secrète et courte entre deux jours d'été !

Les Forces Eternelles