23/11/2012

580. L'univers n'est pas - Que suis-je dans l'espace - Il peut, le ciel est noir

L'UNIVERS N'EST PAS...


L'univers n'est pas ton domaine;
Malgré ton regard ébloui
Ni lui de toi ni toi de lui,
— O pauvre âme qui te surmènes
Afin d'égaler les étés, —
Vous ne pouvez vous contenter!
Cesse ton orgueilleuse audace,
Ame liée au faible corps !
L'éclatant azur te menace
D'ennui, de vieillesse et de mort.
— Mais si le doux destin amène
Un tendre amant à tes côtés,
Goûte bien la chaleur humaine,
Sa charitable parenté,
C'est là l'unique éternité
Que les pauvres êtres comprennent.

QUE SUIS-JE DANS L'ESPACE ?...

Que suis-je dans l'espace ? Et pourtant je contiens,
Cependant que le temps me dédaigne et me broie,
L'infini des douleurs et l'infini des joies,
Et l'univers ne luit qu'autant qu'il m'appartient !

Imperceptible grain de la moisson des mondes,
Les flagellants destins me sont des oppresseurs,
Et pourtant, par mes yeux sans entraves, j'affronte
Les astres dédaigneux dont je me sens la sœur.
Nul ne peut contester cette altière concorde
A l'esprit que soulève une incessante ardeur,
Car c'est par le regard que l'être a sa hauteur,
Et l'âme a pour séjour les sommets qu'elle aborde !

IL PLEUT. LE CIEL EST NOIR...

Il pleut. Le ciel est noir. J'entends
Des gouttes d'eau qui, sursautant,
Font un bruit de pattes et d'ailes
De maladroites sauterelles.
Le vent, gluant de nuit et d'eau,
Met sur mon front comme un bandeau
Trempé dans l'odeur de l'espace...
— .Je suis bien ce soir avec vous,
Jardin apaisé tout à coup
Par la pluie qui tombe et se casse
Sur le feuillage et le gazon !
[...] O pluie aimable à la raison,
Tu viens pétiller goutte à goutte
Sur le cœur qui, comme les fleurs,
Te reçoit, t'absorbe et t'écoute.
Et je respire sans effroi
Un languide et terreux arôme :
Odeur du sol, le dernier baume
Autour des corps muets et froids !
— Parfum large et lent que je hume,
Calmes effluves dilatés,
Confort divin des nuits d'été.
Se peut-il que je m'accoutume
A cette noire éternité
Où tout humain vient se défaire ?

— O Monde que j'ai tant aimé.
Un jour mes yeux seront fermés,
Mon cœur chantant devra se taire.
Le souffle un jour me manquera.
En vain j'agiterai les bras !
Je songe, ardente et solitaire.
Au dernier objet sur la terre
Que mon regard rencontrera...

Les Forces Eternelles