18/11/2012

540. Mélodie matinale

L'aubépine avançait une aile de feuillage,
Mousseuse dans l'azur; je contemplais le jour;
On entendait au loin respirer les villages ;
La nature croissait, hésitante d'amour;
Avec précaution sa verdoyante grâce
Semblait timidement s'emparer de l'espace.
Dans ce calme accompli, sans crainte et sans souhait,
Une paix enfantine et muette régnait,
Et l'univers semblait englué de paresse,
Lorsque excessif et brusque un faible oiseau chanta !
Mon plaisir qui rêvait aussitôt éclata.

— O beauté de la voix, ô flèche d'allégresse !
Ni le ciel allongeant ses laiteuses caresses
Dans le furtif labeur des heureuses forêts.
Ni les parfums jetant leurs jubilants secrets
Qui palpitent avec des invisibles ailes,
Ni le bonheur léger du vent frais et mouillé
N'avaient fait tressaillir mon songe émerveillé !
Mais ce cri délicat, cette acide étincelle,
Ce verbe jaillissant, ce doux chant ébahi
Épandait jusqu'aux cieux une âme universelle...

— Et je songe à la voix, aux choses que tu dis,
A l'enivrant péché du désir qui s'exprime ;
Sans doute la parole était au paradis
Le fruit mystérieux, plein d'espoir et d'abîme,
Qui fit le couple humain à jamais triste et fier.
— Je songe, ce matin, dans la tiède atmosphère,
A la Musique avec ses cris dans le désert,
Aux sanglots, aux baisers, à tout ce qui libère
Le grand gémissement du rêve dans la chair...

Les Forces Eternelles