10/04/2011

236. "Arles"

Arles . Les Alyscamps

Mes souvenirs, ce soir, me séparent de toi;
Au-dessus de tes yeux, de ta voix qui me parle,
De ce frais horizon d'églises et de toits,
J'écoute, dans mon rêve où frémit leur émoi,
Les hirondelles sur le ciel d'Arles !
La nuit était torride à l'heure du couchant.
Les doux cieux languissaient comme une barcarolle;
Deux colonnes des Grecs, levant leurs bras touchants,
Semblaient une Andromaque éplorée, et cherchant
A fléchir une ombre qui s'envole !
Ce qu'un beau soir contient de perfide langueur
Ployait dans un silence empli de bruits infimes;
Je regardais, les mains retombant sur mon coeur,
Briller ainsi qu'un vase où coule la chaleur,
Le pâle cloître de Saint-Trophime !
Une brise amollie et lourde de parfums,
Glissait, silencieuse, au bord gisant du Rhône.
Tout ce que l'on obtient me semblait importun,
Mes pensers, mes désirs, s'éloignaient un à un
Pour monter vers d'invisibles zones !
O soleil, engourdi par les senteurs du thym,
Parfums de poivre et d'huile épandus sur la plaine,
Rochers blancs, éventés, où, dans l'air argentin,
On croit voir, se gorgeant des flots du ciel latin,
Les rapides Victoires d'Athènes !
Soir torturé d'amour et de pesants tourments,
Grands songes accablés des roseaux d'Aigues-Mortes,
Musicale torpeur où volent des flamants,
Couleur du soir divin, qui promets et qui ments,
C'est ta détresse qui me transporte !
Ah ! les amants unis, qui dorment, oubliés,
Dans les doux Alyscamps bercés du clair de lune,
Connaissent, sous le vent léger des peupliers,
Le bonheur de languir, assouvis et liés,
Dans la même amoureuse infortune;
Mais les corps des vivants, aspirés par l'été,
Sont des sanglots secrets que tout l'azur élance.
Je songeais sans parler, lointaine à vos côtés;
Qui jamais avouera l'âpre infidélité
D'un coeur sensible dans le silence !...

Arles. Le cloître Saint-Trophime

235. "Chaleur des nuits d'été"

Glory of a Summer Night

Chaleur des nuits d'été, comme une confidence
Dans l'espace épandue, et semblant aspirer
Le grand soupir des cœurs qui songent en silence,
Je vous contemple avec un désespoir sacré !
Les passants, enroulés dans la moiteur paisible
De cette nuit bleuâtre au souffle végétal,
Se meuvent comme au fond d'un parc oriental
L'ombre des rossignols furtifs et susceptibles.
Une femme, un enfant, des hommes vont sans bruit
Dans la rue amollie où le lourd pavé luit;
C'est l'heure où les Destins plus aisément s'acceptent:
Tout effort est dans l'ombre oisive relégué.
Les parfums engourdis et compacts, interceptent
La circulation des zéphyrs fatigués.
Il semble que mon coeur soit plus soumis, plus sage;
Je regarde la terre où s'entassent les âges
Et la voûte du ciel, pur, métallique et doux.
Se peut-il que le temps ait, malgré mes courroux,
Apaisé mon délire et son brûlant courage,
Et qu'enfin mon espoir se soit guéri de tout ?
La lune éblouissante appuie au fond des nues
Son sublime débris ténébreux et luisant,
Et la nuit gît, distraite, insondable, ingénue;
Son chaud torrent sur moi abondamment descend
Comme un triste baiser négligent et pesant.
Deux étoiles, ainsi que deux âmes plaintives,
Semblent accélérer leur implorant regard.
L'univers est posé sur mes deux mains chétives;
Je songe aux morts, pour qui il n'est ni tôt, ni tard,
Qui n'ont plus de souhaits, de départs, ni de rives.
Que de jours ont passé sur ce qui fut mon coeur,
Sur l'enfant que j'étais, sur cette adolescente
Qui, fière comme l'onde et comme elle puissante,
Luttait par son amour contre tout ce qui meurt !
Pourtant, rien n'a pâli dans ma chaude mémoire,
Mon rêve est plus constant que le roc sur la mer;
Mais un besoin vivant, fougueux, aride, amer,
Veut que mon coeur poursuive une éternelle histoire,
Et cherche en vain la source au milieu du désert.
Et je regarde, avec une tristesse immense,
Dans le ciel glauque et lourd comme un auguste pleur,
L'étoile qui palpite ainsi que l'espérance,
Et la lune immobile au-dessus de mon coeur...

234. "Automne"


Puisque le souvenir du noble été s'endort,
Automne, par quel âpre et lumineux effort,
Déjà toute fanée, abattue et moisie,-
Jetez-vous ce brûlant accent de poésie ?
Votre feuillage est las, meurtri, presque envolé.
C'est fini, la beauté des vignes et du blé;
Le doux corps des étés en vous se décompose;
Mais vous donnez ce soir une suprême rose.
Ah ! comme l'ample éclat de ce dernier beau jour
Soudain réveille en moi le plus poignant amour !
Comme l'âme est par vous blessée et parfumée,
Triste Automne, couleur de nèfle et de fumée !

233. "Bonté de l'univers que je croyais éteinte"


Bonté de l'univers que je croyais éteinte,
Tant vous aviez déçu la plus fidèle ardeur,
Je ressens aujourd'hui vos suaves atteintes;
Ma main touche, au jardin succulent de moiteur,
Le sucre indigo des jacinthes !
Les oiseaux étourdis, au vol brusque ou glissant,
Dans le bleuâtre éther qu'emplit un chaud vertige,
D'un gosier tout enduit du suc laiteux des tiges
Font jaillir, comme un lis, leurs cris rafraîchissants !
Et, bien que le beau jour soit loin de la soirée,
Bien qu'encor le soleil étende sur les murs
Sa nappe de safran éclatante et moirée,
Déjà la molle lune, au contour pâle et pur,
Comme un soupir figé rêve au fond de l'azur...

232. "Un soir en Flandre"


Ah ! si d'ardeur ton coeur expire,
Si tu meurs d'un rêve hautain,
Descends dans le calme jardin,
Ne dis rien, regarde, respire;
Le parfum des pois de senteur
Ouvre ses ailes et se pâme;
Le ciel d'azur, le ciel de flamme,
Est sombre à force de chaleur !
Demeure là, les mains croisées,
Les yeux perdus à l'horizon,
A voir luire sur les maisons
Les toits aux pentes ardoisées.
Des coqs, chantant dans le lointain,
Soupirent comme des colombes,
Sous la chaleur qui les surplombe.
Le soir semble un brumeux matin.
Douceur du soir ! le hameau fume,
La rue est vive comme un quai
Où le poisson est débarqué;
Un pigeon flotte, blanche écume.
Vois, il n'y a pas que l'amour
Sur la profonde et douce terre;
Sache aimer cet autre mystère:
L'effort, le travail, le labour;
Des corps, que la vie exténue,
S'en viennent sur les pavés bleus;
Les bras, les visages calleux
Sont emplis de joie ingénue.
Un homme tient un arrosoir;
Ce plumage d'eau se balance
Sur les choux qui, dans le silence,
Goûtent aussi la paix du soir.
Il se forme au ciel un nuage;
Regarde les bonds, les sursauts,
De quatre tout petits oiseaux,
Qui volent sur le ciel d'orage !
Un œillet tremble, secoué
D'un coup vif de petite trique,
Quand le lourd frelon électrique
A sa tige reste cloué.
Par la vapeur d'eau des rivières
Les prés verts semblent enlacés;
Le soir vient, les bruits ont cessé;
Etranger, mon ami, mon frère,
Il n'est pas que la passion,
Que le désir et que l'ivresse,
La nature aussi te caresse
D'une paisible pression;
Les rêves que ton coeur exhale
Te font gémir et défaillir;
Eteins ces feux et viens cueillir
Le jasmin aux quatre pétales.
Abdique le sublime orgueil
De la langueur où tu t'abîmes,
Et vois, flambeau des vertes cimes,
Bondir le sauvage écureuil !

231. "Au pays de Rousseau"

Jean-Jacques Rousseau

Le lac, plus lent qu'une huile azurée, se repose,
Et le doux ciel, couleur d'abricot et de rose,
Penche sur lui sa calme et pensive langueur.
Les grillons, dans les prés, ont commencé leurs chœurs:
Scintillement sonore, et qui semble un cantique
Vers la première étoile, humble et mélancolique,
Qui fait trembler aux cieux sa liquide lueur...
L'automne épand déjà ses fumeuses odeurs.
Un voilier las, avec ses deux voiles dressées,
Rêve comme un clocher d'église délaissée.
Touffus et frémissants dans le soir spacieux,
Les peupliers ont l'air de hauts cyprès joyeux;
Au bord des champs où flotte une vapeur d'albâtre
Les cloches des troupeaux semblent fêter le pâtre.
Teinté de sombre argent, un cèdre contourné
A le tumulte obscur d'un nuage enchaîné
Qui roule sur l'éther sa foudre ténébreuse...
Et l'ombre vient, luisante, épandue, onctueuse.
Les montagnes sur l'eau pèsent légèrement;
Tout semble délicat, plein de détachement,
On ne sait quelle éparse et vague quiétude
Médite. Un clair fanal, douce sollicitude,
Egoutte dans les flots son rubis scintillant.
O nuits de Lamartine et de Chateaubriand !
Vent dans les peupliers, sources sur les collines,
Tintement des grelots aux coursiers des berlines,
Villages traversés, secrète humidité
Des vallons où le frais silence est abrité !
Calme lampe aux carreaux d'une humble hôtellerie,
Bruit pressé des torrents, travaux des bûcherons,
Vieux hêtres abattus dont les écorces font
Flotter un parfum d'eau et de menuiserie,
Quoi! j'avais délaissé vos poignantes douceurs ?
Retirée en un grave et mystique labeur,
Le regard détourné, l'âme puissante et rude,
Je montais vers ma paix et vers ma solitude !
Nature, accordez-moi le plus d'amour humain,
Le plus de ses clartés, le plus de ses ténèbres,
Et la grâce d'errer sur les communs chemins,
Loin de toute grandeur isolée et funèbre;
Accordez-moi de vivre encor chez les vivants,
D'entendre les moulins, le bruit de la scierie,
Le rire des pays égayés par le vent,
Et de tout recevoir avec un coeur qui prie,
Un coeur toujours empli, toujours communicant,
Qui ne veut que sa part de la tâche des autres,
Et qui ne rêve pas à l'écart, évoquant
L'auréole orgueilleuse et triste des apôtres !
Que tout me soit amour, douceur, humanité:
La vigne, le village et les feux de septembre,
Les maisons rapprochées de si bonne amitié,
L'universel labeur dans le secret des chambres;
Et que je ne sois plus,-au-dessus des abîmes
Où mon farouche esprit se tenait asservi,
Comme un aigle blessé en atteignant les cimes,
Qui ne peut redescendre, et qu'on n'a pas suivi !

La Nouvelle Héloïse : promenade en barque de Julie et Saint-Preux avant d'accoster à Meillerie sur le lac Léman, en face de Clarens (Tableau de Le Prince (1824) au musée J.J. Rousseau à Mortmonrency)

230. "Les rives romanesques"

Le lac Léman vu de l'Hôtel Royal à Evian

Soir paresseux des lacs, douceur lente des rames,
Qui, sur l'eau susceptible, élancez des frissons,
Romanesque blancheur des terrasses, chansons
Que des nomades font retentir, où se pâme
Le vocable éternel du triste amour, quelle âme
Tromperez-vous ce soir par votre déraison ?
L'absorbante chaleur voile les monts d'albâtre,
Un généreux feuillage abrite les chemins,
Les hameaux ont l'odeur du laitage et de l'âtre;
Et les montagnes sont, dans l'espace bleuâtre,
Hautes et torturées comme un courage humain.
Au loin les voiliers las ont l'air de tourterelles,
Qui, dans ce paradis liquide et sommeillant,
Renonçant à l'éther, laissent flotter leurs ailes
Et gisent, transpercés par le flot scintillant.
Et la nuit vient, serrant ses mailles d'argent sombre
Sur l'Alpe bondissante où le jour ruisselait,
Et c'est comme un subit, sournois coup de filet,
Capturant l'horizon, qui palpite dans l'ombre
Comme un peuple d'oiseaux aux voûtes d'un palais...
Un vert fanal au port tremble dans l'eau tranquille;
Tout a la calme paix des astres arrêtés;
Il semble qu'on soit loin des champs comme des villes;
L'air est ample et profond dans l'immobilité;
Et l'on croit voir jaillir de sensibles idylles
De toute la douceur de cette nuit d'été!
-Pourquoi nous trompez-vous, beauté des paysages,
Aspect fidèle et pur des romanesques nuits,
Engageante splendeur, vent courant comme un page,
Secrète expansion des odeurs, calme bruit,
Silencieux désirs montant du fond des âges ?
Pourquoi nous faites-vous espérer le bonheur
Quand, par delà les lois, l'esprit, la conscience,
Vous ressemblez au but qu'entrevoit le coureur ?
Dans un séjour où rien n'est péché ni douleur,
Sous l'arbre désormais béni de la science,
Vous convoquez les corps et les coeurs pleins d'ardeur !
Mais, hélas! les humains et la grande Nature
N'échangent plus leur sombre et différente humeur;
Entre eux tout est mensonge, épouvante, imposture;
Les souhaits infinis, les peines, les blessures
Ne trouvent pas en elle un remède à leurs pleurs.
La terre indifférente, exhalant ses senteurs,
N'a d'accueil maternel que pour celui qui meurt.
Terre, prenez les morts, soyez douce à leur rêve;
Serrez-les contre vous, rendez-les éternels,
Donnez-leur des matins de rosée et de sève,
Mêlez-les à vos fruits, vos métaux et vos sels.
Qu'ils soient participants à vos soins innombrables,
Que, depuis le sol noir jusqu'au divin éther,
Plus légers, plus nombreux que les vents du désert,
Ils aillent, légion furtive, impondérable!
Mais nous, nous ne pouvons qu'être des coeurs humains:
Nous habitons l'esprit, les passions, la foule;
Nous sommes la moisson, et nous sommes la houle;
Nous bâtissons un monde avec nos tristes mains;
Et tandis que le jour insouciant se lève
Sans jamais secourir ou protéger nos rêves,
La force de nos cœurs construit les lendemains...

229. "Octobre et son odeur"


Octobre, et son odeur de vent, de brou de noix,
D'herbage, de fumée et de froides châtaignes,
Répand comme un torrent l'alerte désarroi
Du feuillage arraché et des fleurs qui s'éteignent.
Dans l'éther frais et pur, et clair comme un couteau,
Le soleil romanesque en hésitant arrive,
Et sa paille dorée est comme un clair chapeau
Dont les bords lumineux s'inclinent sur la rive...
-Automne, quelle est donc votre séduction?
Pourquoi, plus que l'été, engagez-vous à vivre?
Bacchante aux froides mains, de quelle région
Rapportez-vous la pomme au goût d'ambre et de givre?
Dans votre air épuré, argentin, élagué,
On entend bourdonner une dernière abeille.
Le soleil, étourdi et déjà fatigué,
Ne s'assied qu'un instant à l'ombre de la treille;
Les rosiers, emmêlés aux rayons blancs du jour,
Les dahlias, voilés de gouttes d'eau pesantes,
Sont encore encerclés de guêpes bruissantes,
Mais la rouille du temps les gagne tour à tour.
La fontaine sanglote une froide prière;
Dans le saule, un oiseau semble faire le guet,
Tant son cri est prudent, défiant, inquiet.
Mais les cieux, les doux cieux, ont des lacs de lumière!
-Ces glauques flamboiements, cette poussière d'or,
Cet azur, embué comme une pensée ivre,
Ces soleils oscillant comme un vaisseau qui sort
De la rade, chargé de baumes et de vivres,
Flotteront-ils au toit d'un couvent florentin,
Sur les verts bananiers des Iles Canaries,
Dans un vallon d'Espagne, où jamais ne s'éteint
L'écarlate lampion des grenades mûries,
Tandis que nous entrons dans l'hiver obsédant,
Dans l'étroite saison, où, seule, la musique
Fait un espace immense, et semble un confident
Qui, saturé des pleurs de nos soirs nostalgiques,
Les porte jusqu'aux cieux, avec un cri strident !

228. "Ainsi les jours s'en vont"

(source non connue)

Ainsi les jours s'en vont, rapides et sans but,
Nous les appelons doux quand ils sont monotones,
Et l'âme, habituée à combattre, s'étonne
De ne plus espérer et de ne souffrir plus.
Qu'est-ce donc que l'on veut, qu'on espère et prépare,
Que souhaitons-nous donc, quand, l'esprit plus dispos
Qu'un bleu matin qui luit dans le vitrail des gares,
Nous sommes harassés de calme et de repos ?
Les délices, la paix ne sont pas suffisantes,
Un courageux élan veut aller jusqu'aux pleurs.
La passion convie à des fêtes sanglantes:
Tout est déception qui n'est pas la douleur !
Souffrir, c'est tout l'espoir, toute la diligence
Que nous mettons à fuir le paisible présent,
Lorsque ignorants du but et tentés par la chance
Nous rêvons au départ, brutal et complaisant.
Je le sais et je songe à mes brûlants voyages,
Au sol oriental, crayeux, sombre et vermeil,
Au campanile aigu, brillant sur le rivage
Comme un blanc diamant lancé vers le soleil!
Je songe au frais palais de Naples, à ses musées
Où règne un blanc climat, nonchalant, engourdi,
Où, dans l'albâtre grec, amplement s'arrondit
La face de Junon, éclatante et rusée !
Je songe à cette salle illustre, où je voyais
Des danseuses d'argent, dans leurs gaines de lave,
Fixer sur mon destin,-fortes, riantes, braves,
Leurs yeux d'émail, pareils à de sombres oeillets.
Je vois le vieil Homère et ses yeux sans prunelle,
Où mon triste regard s'enfonçait pas à pas,
Comme ces voiliers qui, sur la mer éternelle,
Se perdent dans la brume et ne reviennent pas...
Je me souviens de vous, jeune Milésienne,
Beau torse mutilé qui demeurez debout,
Comme on voit, en été, les gerbes de blé roux
Noblement se dresser dans l'onde aérienne;
Et de vous, Amazone à cheval, et pliant
Sous le choc d'une flèche impétueuse et fourbe,
Et qui semblez mourir d'amour, en suppliant
Le vague meurtrier qui vous blesse et vous courbe.
Aigle maigre et divin convoitant un enfant,
Je vous vois, Jupiter, auprès de Ganymède;
Votre oeil de proie, où brille un amour sans remède,
Mêle un rêve soumis à vos airs triomphants.
Je me souviens de vous, jeune guerrier de marbre,
Agile Harmodius auprès de votre ami,
Qui figurez, levant vos deux bras à demi,
L'élan de l'épervier et du vent dans les arbres !
Qu'il fut beau le voyage anxieux que je fis
Sur des rives qu'assaille un été frénétique !
Et je songe ce soir, avec un coeur surpris,
A ces temps où ma vie, errante et nostalgique,
Ressemblait par ses pleurs, ses rêves, ses défis,
Son ardeur à mourir et ses sursauts lyriques,
Aux groupes des héros dans les musées antiques.