29/10/2010

128. Anna de Noailles et le jardin. 3


3. L’image du jardin implique celle de l’enfance, temps d’une véritable harmonie cosmique. La nostalgie de cette harmonie primitive pousse Noailles à rechercher le jardin perdu. C’est pourquoi il lui arrive dans un moment de désarroi, d’évoquer ces beaux jardins qui le font se tourner vers son enfance."Un matin de mai, sous une mince pluie tiède, pleine de grâce, et qui semble dans la nature un épanchement de plus, j’erre au jardin de mon enfance: L’atmosphère liquide crée une solitude sans rumeurs. Je suis captive avec mes arbres, mon rivage, le chalet qu’habitaient mes parents, sous un vaste et léger globe de verre".

Retirez-moi du coeur, tous mes jardins d’enfance
Tout ce qui coule encor de trop tendre en mon sang !
Maintenant que ma vie à sa langueur consent,
Je crains, ô souvenir, votre suave offense.
Jardin de mon enfance, il n’y a pas de sang
Parmi l’éclosion de vos plantes naïves.

Le jardin suggère le retour vers l’enfance par son espace clos et protégé qui offre la sécurité du cercle familial. Les jardins noailliens sont toujours des espaces clos, incluant implicitement une forme d’apparence circulaire. Or, Gilbert Durant signale que l’espace courbe, fermé et régulier", serait par excellence signe de "douceur, de paix, de sécurité". Le jardin attire le poète par son aspect calme et tranquillisant Ces lieux évoquent, donc, l’intimité heureuse qui n’est pas sans rappeler l’image du paradis perdu.

Jardins secrets où tout est heureux
0 jardins assoupis, pelouses caressées,
Calme, calme profond !

L’enfance est caractérisée par un besoin profond de sécurité. Le bonheur consiste à se sentir enclos dans un refuge, à l’abri dans un lieu étroit et dissimulé aux regards, protégé contre les agressions du monde, contre l’inconnu. Un jardin clos est un espace de bonheur protégé où le poète connaît des moments extraordinaires de solitude en sécurité. Le jardin est le lieu de l’isolement où l’on passe des heures de solitude heureuse, où l’on évoque d-anciens souvenirs dans la paix de son espace clos. Ce besoin de sécurité se traduit chez notre poète par un culte des refuges. La maison illustre l’image d’un lieu qui abrite et protège contre les agressions du monde extérieur.

Vassiliki LALAGIANNI